Est-il possible d’estimer les arrêts de travail des salariés d’une entreprise en se basant sur leur consommation de frais de santé ? Telle est l’hypothèse sur laquelle a été lancé le projet commun de rapprochement des données des portefeuilles Harmonie Mutuelle et Mutex. Enjeu : mieux évaluer le risque et développer le multi équipement.
D’un côté, Harmonie Mutuelle, acteur majeur de la protection sociale santé, qui dispose de centaines de milliers de données de remboursement des frais de soins. De l’autre, Mutex, spécialiste de la prévoyance collective, avec une vision fine des arrêts de travail sur son portefeuille d’entreprises clientes.
Comment « faire parler » les données de santé dont dispose Harmonie Mutuelle (remboursements, fréquence d’hospitalisation, de consultations…) pour essayer de prédire le risque en prévoyance (arrêts de travail, invalidité et décès) ? Comment les deux entités peuvent-elles devenir « bilingue en santé et prévoyance ? », selon le mot de Catherine Touvrey, directrice générale d’Harmonie Mutuelle.
Par un projet commun, unique en son genre, de rapprochement et d’analyse des données lancé il y a quelques semaines, avec la constitution d’une équipe pluridisciplinaire – data scientists, data analysts, experts métier santé et prévoyance, qui mettent en commun et partagent leur visions et compétences. (lire l’interview croisée ci-dessous).
L’objectif est de concevoir un outil pour permettre aux commerciaux d’Harmonie Mutuelle de disposer d’une vision à 360° des entreprises prospectées afin de favoriser la proposition de valeur couplée en santé/prévoyance. Et pour les souscripteurs Mutex, de disposer de données pertinentes pour mieux évaluer le risque et affiner la tarification lors d’un appel d’offre de prévoyance collective.
« Le pari, c’est de penser qu’en maîtrisant les données de santé, on maîtrise mieux la souscription prévoyance » explique Adrien Bichot, responsable transformation et data chez Mutex.
Dans un premier temps, chaque entité travaille sur ses propres données et au sein de son environnement informatique afin d’évaluer comment elles se comportent. Puis des modèles statistiques et d’apprentissage automatique de prédiction des arrêts de travail vont être développés, alimentés par les données historiques et des algorithmes appropriés.
Pour construire un référentiel commun sur une plateforme commune. Enfin, dernier sujet et non des moindres : se conformer à la réglementation sur la protection des données et respecter la confidentialité. Le groupe projet doit déterminer le bon niveau de granularité, tout à la fois pertinent, sans être restrictif, qui sera validé par les délégués à la protection des données (DPO).
Valérie : Le projet a été initié par Mutex et a rencontré un écho favorable chez Harmonie Mutuelle, notamment vis-à-vis de nos objectifs de développement commercial en prévoyance. A ce jour, seules 20% des entreprises clientes d’Harmonie Mutuelle sont équipées en prévoyance collective Mutex. Nous devons diversifier le risque, aller sur des affaires variées et élargir notre connaissance des clients. Ce projet s’inscrit dans la trajectoire globale d’Harmonie Mutuelle.
Thomas : L’enjeu du multi équipement existe dans d’autres entreprises d’assurance, mais chez nous, il y a deux systèmes informatiques différents, qui ont des difficultés à communiquer. Nous travaillons également sur des domaines très différents, avec des références différentes. Nous apprenons à nous comprendre.
Valérie : Je manipule des données de santé au quotidien. Chez Harmonie Mutuelle, toutes les consommations de nos adhérents sont en base. Je dois cibler et choisir les données qui semblent intéressantes pour évaluer le risque d’arrêt de travail : consultations de spécialistes, durées ou motifs d’hospitalisation, consommation de médicaments, nombre de passage aux urgences… Actuellement, nous sommes en phase de construction. Les indicateurs retenus vont être challengés pour évaluer leur pertinence.
Thomas : Entre Harmonie Mutuelle et Mutex, il y a une différence d’approche et de collecte des données. Un contrat santé est unique et s’applique à tous les salariés d’une entreprise. A contrario, la couverture prévoyance distingue les cadres et les non-cadres par exemple, ou propose des niveaux de garanties en fonction du risque. Tout l’enjeu est de bâtir ce référentiel de mise en correspondance des portefeuilles. Mon rôle est de développer un modèle pour faire converger les informations qui permettront de définir le risque et faire une proposition couplée en santé et prévoyance. Actuellement nous sommes en phase exploratoire.
Valérie : Nous devons trouver un langage commun pour bâtir cette plateforme commune. C’est toute une organisation qui se met en place. C’est un premier pas vers d’autres projets communs.
Thomas : C’est très enrichissant. Nous sommes mobilisés à 100%. Je suis confiant quant à la réussite du projet, qui va en amener d’autres, pour un rapprochement de nos deux entités.